GROUPE ARCHEOLOGIQUE DE MOURIES

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Vendredi 12 avril 2024

"Production et commerce des amphores dans la basse vallée du Rhône : 

Un témoignage de la viticulture spéculative"


M. Fabrice Bigot
(Responsable d’opération Mosaïques archéologie, chercheur associé au laboratoire 2ASM, association 2AEC2A)

Pourrait-on imaginer la basse vallée du Rhône sans ses vignobles ? Cela semble difficile tant la viticulture est ancrée au sein de ce territoire depuis plus de 2000 ans. Si les Grecs de Marseille sont sans doute à l’origine des premières plantations dans la région, cette activité agricole prend réellement son essor à la fin du Ier s. av. J.-C. Elle est en effet encouragée par l’accroissement de la demande en vin des armées stationnées sur les frontières de l’Empire, des centres de consommation du nord de la Gaule et surtout de ceux de Méditerranée, au premier rang desquels Rome. Partout dans la province, les marchands vont ainsi solliciter les propriétaires terriens, vétérans italiens installés dans le nouvelles colonies et aristocrates gaulois, afin de pouvoir alimenter ces marchés. Ceux-ci vont naturellement répondre favorablement à cette requête en raison du caractère très lucratif de ce trafic.
La basse vallée du Rhône n’échappe pas à ce phénomène. Bien au contraire, le fleuve qui la traverse constitue l’une des principales artères commerciales du monde romain. Sa présence rend de ce fait encore plus rentable la production de vin dans les domaines de ce secteur. Cette place prédominante est parfaitement illustrée par les amphores vinaires de Narbonnaise qui constituent le principal vecteur du commerce du vin régional. La mise en perspective des fouilles conduites dans le port d’Arles et ses avant-ports d’une part et des études menées dans les centres de consommation de l’Empire d’autre part illustrent parfaitement que l’essentiel du vin exporté à longue distance provient d’ateliers installés dans le quartier portuaire de Trinquetaille et, dans une moindre mesure, des villas environnantes. De nombreuses officines sont en effet créées dans ces établissements ruraux pour répondre à la demande en conteneurs vinaires des négociants arlésiens. Les prospections et les fouilles menées sur ces sites de la campagne révèlent néanmoins qu’ils exportent également une partie de leur production viticole dans les centres de consommation de la province. Les autres agglomérations du secteur (Espeyran, Beaucaire etc…) participent également activement à ce trafic du vin à travers l’installation d’officines péri-urbaines.
L’étude des dépotoirs d’amphores apportent en outre de précieuses données sur les acteurs de ce trafic du vin régional. Les estampilles imprimées sur les conteneurs vinaires renseignent en effet le nom de citoyens, propriétaires terriens ou non, qui font fabriquer ces amphores par des équipes de potiers stationnées dans un atelier ou qui se déplacent en fonction des commandes
.
En dépit de ces résultats, l’évolution et l’organisation de la production d’amphores dans la basse vallée du Rhône demeurent mal appréhendées en raison de la profonde méconnaissance des ateliers, de leur évolution et de leur répertoire. De fait, la plupart n’est connue que par des prospections ou la fouille d’un unique dépotoir, ce qui ne permet pas de déterminer précisément le début et la fin de l’activité de ces centres potiers, leur phasage, leur étendue, ce qu’ils ont fabriqué et dans quelle proportion. Or ces éléments sont indispensables pour comparer les différents ateliers amphoriques de la basse vallée du Rhône entre eux, mais aussi avec les officines des autres régions. Ces lacunes ont été pour partie palliées par la fouille menée depuis 2019 sur l’atelier d’amphore de la villa du Mas des Tourelles à Beaucaire. L’opération conduite par F. Bigot et Q. Desbonnets a en effet permis de mettre au jour toutes les structures nécessaires à la fabrication des amphores. L’analyse de la stratigraphie du site met de surcroît en évidence une longévité de la forme des fours entre le milieu du IIe s. et le IVe s., ce qui est unique en Narbonnaise. La fouille du site du Mas des Tourelles apporte enfin de précieuses données sur les capacités de production de l’officine et, par extension, sur la taille d’un domaine viticole de la basse vallée du Rhône et son évolution au cours du Haut-Empire.


(Photos  Mireille LAFOREST  d'après le diaporama de Fabrice BIGOT)
Conf Fabrice BIGOT

Conf Fabrice BIGOT
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